Repos du dimanche

Frere-Alois-J-ai-compris-que-la-messe-devait-changer-nos-vies_article_popin Homélie du dimanche 2 février 2014  –

fête de la présentation du Seigneur au Temple

« Ils ont le courage de travailler, ils n’ont pas le courage de ne rien faire ! », écrivait Péguy. À l’heure du chômage de masse, comment entendre cette invitation à « ne rien faire », que le poète prête à Dieu ? Vous pensez peut-être que c’est une apologie de la paresse ? Ce serait plutôt un appel au « lâcher prise » de celui qui met toute sa confiance en Dieu. Et cet abandon est de plus en plus difficile à l’homme contemporain, qui est enfermé dans le culte de l’efficacité et de la maîtrise. La fuite en avant dans l’activisme n’épargne pas non plus les hommes et les femmes de foi. L’Église a toujours souhaité rappeler le sens profond du repos du dimanche. Et ce n’est pas que le simple précepte de la messe du dimanche, la sanctification du dimanche est « une expression constitutive et indispensable du rapport avec Dieu », affirmait Jean-Paul II dans sa lettre apostolique Dies Domini (1998). Un document passionnant, qui nous donne ce qui est fondamental pour comprendre la sanctification du dimanche. « Si, dans les premières pages de la Genèse, le “travail” de Dieu est un 995-coloriage-messe-livreexemple pour l’homme, son “repos” l’est également », rappelle d’abord le pape. Le dimanche célèbre l’œuvre du Créateur et la contemplation qui s’en est suivie. Dieu nous invite à nous reposer en Lui, comme Il s’est reposé après la Création. Il a porté sur elle « un regard plein d’une joyeuse satisfaction […], un regard contemplatif », continue le bienheureux pape. Le repos de Dieu, et celui auquel Il nous appelle, n’est donc pas une simple inaction, mais c’est prendre le temps de la contemplation de son œuvre : « Cela était très bon » (Gn 1, 31). Jean-Paul II nous rappelait que « pour l’expérience chrétienne, le dimanche est avant tout une fête pascale, totalement illuminée par la gloire du Christ ressuscité ». Voilà pourquoi il est aussi le jour de l’eucharistie, où Jésus se rend présent à chacun de nous, d’une manière toute particulière. « Le repos dominical, c’est le repos de la créature en son Dieu. Et il se réalise de la plus belle des manières dans l’eucharistie ». Nous rassembler autour de la Parole et de l’eucharistie, chaque dimanche, est aussi une occasion de revenir sur les événements des jours précédents, de les regarder à la lumière de Dieu et d’entrer dans l’action de grâce. À chacun alors de trouver les moyens de laisser jaillir cette paix et cette joie chrétiennes. Repas ou promenade familiale, temps de prière communautaire ou accueil des plus pauvres : tout cela fait partie du grand repos dans le Christ. « La sanctification du dimanche ne peut pas être séparée de la Icone-christ-ressuscite-rovigodimension ecclésiale et de la rencontre du Christ dans les autres. Car le corps du Christ présent dans l’eucharistie anticipe et réalise déjà l’Église du Ciel ! ». Et cette réalisation se fait dans chacun de nos cœurs. Ainsi, l’eucharistie est au cœur du dimanche, et si l’Église a toujours encouragé les fidèles à se rendre à l’église le dimanche, c’est parce que ce temps donné à Dieu est une nécessité d’amour. Aujourd’hui plus que jamais, des chrétiens risquent leur vie pour se réunir chaque dimanche. Cela devrait nous aider à retrouver notre zèle lorsque les dimanches matins nous paraissent difficiles ! Dans l’une des homélies qu’il a prononcée au cours des JMJ de Cologne, Benoît XVI adressait cet appel pressant aux jeunes : « Il peut être malcommode de devoir prévoir aussi la messe dans le programme du dimanche. Mais si vous en prenez l’engagement, vous constaterez que c’est précisément ce qui donne le juste centre au temps libre. […] Parce que la joie dont nous avons besoin se dégage d’elle ! » (Cologne-Marienfeld, 21 août 2005). Pourtant, « l’homme contemporain voit souvent le précepte du dimanche comme une entrave à sa liberté et à sa productivité. Il oublie que le dessein de Dieu humanise toujours l’homme ! », affirme Élisabeth Gueneley, professeur de philosophie à la retraite. Par son travail, l’homme semble s’élever au-dessus de la nature et la maîtriser. L’homme se voit de plus en plus puissant par rapport à la Création et perd alors le sens de la contemplation. Mais cette haute vision de la vie contemplative a conduit à dévaloriser le travail humain. Dans la Grèce antique, le travail était ainsi réservé aux esclaves. L’homme libre, lui, pouvait livrer tout son temps à la réflexion désintéressée. Par la suite, une mauvaise interprétation du récit de la chute d’Adam et Ève a voulu assimiler le travail à une punition. « Or, ce n’est pas le travail en lui-même qui est une conséquence du péché originel, mais la peine qui l’accompagne », rappelle Élisabeth Gueneley. Dans le récit de la Création, le dessein de Dieu pour l’homme était ainsi formulé : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la Terre et soumettez-la. Soyez les maîtres […] de tous les animaux qui vont et viennent sur la Terre » (Gn 1, 28). Et nous sommes aujourd’hui partagés entre la vision punitive du travail et sa vision dominatrice. Nous avons besoin de courage pour accepter de nous reposer, et de nous reposer en Dieu. « Aujourd’hui, on habitue même les enfants à avoir trop d’activités… y compris le dimanche, remarque Élisabeth Gueneley. Au contraire, nous devons les éduquer au repos, à la solitude, voire à l’ennui. Si l’esprit et le corps sont stimulés en permanence, il n’y a plus de place pour la vie intérieure. » Avouons que notre rythme et nos conditions de vie ne portent pas toujours à l’intériorité ni au repos. Pourtant, le nombre des marcheurs solitaires, vers Compostelle par exemple, ou des années « sabbatiques », manifeste cette aspiration de l’homme à un certain repos contemplatif, loin du tumulte et de l’agitation. Je pense en particulier à nos frères ermites de saint 141CBruno, comme autre exemple de choix radical… Avoir le « courage » de se reposer, c’est alors accepter de ne plus maîtriser, mais de recevoir, et de se laisser transformer par un Autre. « C’est pourquoi la liturgie elle-même ne doit pas être une nouvelle agitation. N’oublions pas de laisser place à des temps de silence pour nous permettre d’entrer dans un vrai recueillement ». « Souvent, repos rime avec solitude et cela fait peur ». Pourtant, le repos auquel Dieu nous appelle chaque dimanche se vit précisément dans une rencontre personnelle avec Lui et avec nos frères. Accepter de se reposer, c’est aussi entrer dans le réalisme du temps. De même que le sommeil est nécessaire à nos corps de manière régulière, de même notre âme a besoin de se ressourcer régulièrement. « On ne peut pas faire une réserve de prière pour trois ans ! Si nous voulons vivre en chrétiens, nous devons ponctuer notre vie par des temps de prière réguliers. » Le dimanche est de l’ordre de la miséricorde. Dieu nous aide à L’inscrire au cœur de nos vies. Voilà pourquoi Jean-Paul II dira que le dimanche « nous révèle le sens profond du temps » qui nous recentre sur Celui qui est « l’Alpha et l’Oméga, Celui qui est, qui était et qui vient » (Ap. 1, 8). Amen.

D’après un article de la revue « Familles chrétiennes »

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